La prière de Jésus (5)

9. VERS LE PÈRE

Il y a le Fils. Et il y a le Père. Notre lecture de l’Évangile demeurera superficielle tant que nous y verrons seulement une vie et un message tournés vers les hommes. Le cœur de l’Évangile, le mystère de Jésus est le rapport entre le Père et le Fils unique. Prononcer le nom de Jésus, c’est prononcer la Parole qui était au commencement (Jn 1,1), la Parole que le Père prononce de toute éternité. Le nom de Jésus, pourrions-nous dire (avec quelque anthropomorphisme aisément rectifiable), est la seule parole humaine que le Père prononce, tandis qu’il engendre le Fils et se donne à lui.

Prononcer le nom de Jésus, c’est nous approcher du Père, c’est contempler l’amour et le don du Père se concentrant sur Jésus, c’est sentir (dans notre pauvre mesure) quelque chose de cet amour et nous y associer de loin, c’est entendre la voix du Père déclarant : Tu es mon Fils bien-aimé (Lc 3,22) et dire humblement ” Oui ” à cette déclaration. Prononcer le nom de Jésus, c’est, d’autre part, autant que peut une créature, entrer dans la conscience filiale du Christ. C’est, après avoir trouve dans le mot ” Jésus ” le tendre appel du Père : ” Mon Fils ! „, y trouver aussi la tendre réponse du Fils : „Mon Père ! ” C’est reconnaître en Jésus l’expression parfaite du Père, nous unir à l’éternelle orientation du Fils vers le Père, à l’offrande totale du Fils à son Père. Prononcer le nom de Jésus, c’est (s’il est permis de parler ainsi) joindre de quelque manière le Fils au Père et entrevoir quelque reflet du mystère de leur unité. C’est trouver le meilleur accès au cœur du Père.

10. JÉSUS TOUT ENTIER

Nous avons considéré divers aspects de l’invocation du nom de Jésus. Nous les avons disposés selon une sorte d’échelle ascendante, peut-être pédagogiquement utile, mais artificielle, car, en fait, des degrés se mêlent et Dieu ne donne pas l’Esprit avec mesure (Jn 3,34). À tel ou tel stage de la pratique de l’invocation du nom de Jésus, il peut être bon, nécessaire même, de se concentrer sur un aspect particulier du nom divin.

Mais un moment vient où une telle particularisation devient pesante, difficile, parfois même impossible. La considération et l’invocation du nom de Jésus deviennent alors globales. Toutes les implications du nom nous deviennent simultanément, quoique confusément, présentes. Nous disons ” Jésus „, et nous nous reposons dans une plénitude, une totalité qu’il ne nous est plus possible de disjoindre. Le nom de Jésus devient alors porteur du Christ total. Il nous introduit dans la Présence totale. En celle-ci se trouvent données toutes les réalités vers lesquelles le Nom nous a été un moyen d’approche : le salut et le pardon, l’Incarnation et la Transfiguration, l’Église et l’Eucharistie, l’Esprit et le Père. Toutes choses nous apparaissent alors comme réunies en Christ (Ép 1,10). La Présence totale est tout. Sans elle le Nom n’est rien. Qui a atteint la Présence n’a plus besoin du Nom. Le Nom n’est que le support de la Présence, et, au terme de la toute, nous devons devenir libres du Nom lui-même, libres de tout, sauf de Jésus, du contact vivant et indicible avec sa Personne. Le rayon de lumière rassemble les couleurs diverses que le prisme disperse. Ainsi le ” Nom total „, signe et portent de la Présence totale, agit comme une lentille qui reçoit et concentre la blanche lumière de Jésus. Cette lentille – le Nom de Celui qui est la lumière du monde – nous aide à allumer le feu dont il a été dit : Je suis venu mettre le feu sur la terre (Lc 12,49). Si nous nous attachons au nom de Jésus, nous recevrons la bénédiction spéciale que l’Écriture promet : Sois-moi miséricordieux, comme tu es accoutumé de l’être à ceux qui aiment ton nom (Ps 118,132). Et puisse le Seigneur, veuille le Seigneur dire de nous ce qu’il disait de Saul : Il m’est un vase choisi pour porter mon nom(Ac 9,15).

L. Gillet, Un Moine de l’Eglise d’Orient, La prière de Jésus (suite)

La prière de Jésus (4)

6. LE CORPS DU CHRIST

L’invocation du nom de Jésus a un aspect ecclésial. En ce nom nous rencontrons tous ceux qui sont unis au Seigneur et au milieu desquels il se tient. En ce nom nous pouvons enclore tous ceux que le cœur divin renferme. Intercéder pour un autre, c’est moins plaider pour lui auprès de Dieu qu’appliquer à son nom le nom de Jésus et adhérer à l’intercession de Notre Seigneur lui-même pour ses aimés. Nous touchons ici au mystère de l’Église. Là où est Jésus Christ, là est l’Église. Quiconque est en Jésus est dans l’Église. Le nom de Jésus est un moyen de nous unir à l’Église, car Église est dans le Christ. Elle y est sans souillure. Ce n’est pas que nous puissions nous désintéresser de l’existence et des problèmes de l’Église sur terre, ni fermer les yeux aux imperfections et à la désunion des chrétiens. Nous ne séparerons pas les aspects visible et invisible de l’Église ; nous ne les opposerons pas. Mais nous savons que ce qui est impliqué dans le nom de Jésus, c’est l’aspect sans tache, spirituel et éternel de l’Église qui transcende toute manifestation terrestre et qu’aucun schisme ne peut déchirer.

La parole de Jésus à la Samaritaine sur l’heure qui vient et est déjà venue (Jn 4,23) où les vrais adorateurs adoreront le Père, non plus à Jérusalem ou à Garizim, mais en esprit et en vérité, cette parole présente une apparente contradiction. Comment l’heure peut-elle être déjà venue et être encore à venir ? Ce paradoxe s’explique par le fait que la Samaritaine se tenait à ce moment devant Jésus. Certes l’opposition entre Jérusalem et Garizim subsistait, et Jésus, loin de la minimiser, avait déclaré que le salut vient des Juifs : l’heure était donc encore à venir. Mais, parce que Jésus était là et qu’en sa personne Jérusalem et Garizim se trouvent infiniment dépassées, l’heure était déjà venue. Nous sommes dans une situation analogue lorsque nous invoquons le nom du Sauveur. Nous ne pouvons croire que des interprétations divergentes de l’Évangile soient vraies ou que des chrétiens divisés possèdent la même mesure de lumière ; mais nous croyons que ceux qui, prononçant le nom de Jésus, essayent de s’unir à leur Seigneur par un acte d’obéissance inconditionnelle et de charité parfaite dépassent les divisions humaines, pari quelque manière à l’unité surnaturelle du Corps mystique du Christ et sont des membres sinon visibles et explicites, du moins invisibles et implicites de l’Église. Et ainsi l’invocation du nom de Jésus, faite d’un cœur intègre, est une voie vers l’unité chrétienne.

Elle nous aide aussi à rejoindre les fidèles défunts à Jésus. À Marthe qui affirmait sa foi en la résurrection future, Jésus répondait : Je suis la résurrection et la vie (Jn 11,25). C’est-à-dire que la résurrection des morts est autre chose qu’un événement futur ; que la personne du Christ ressuscité est déjà la résurrection et la vie de tous les rachetés ; et qu’au lieu de chercher, soit dans la prière, soit par la mémoire ou l’imagination, à établir un contact spirituel direct entre nos défunts et nous-mêmes, c’est en Jésus, où se trouve maintenant leur vraie vie, que nous devrions nous efforcer de les atteindre, liant leurs propres noms le nom de Jésus. Ces morts, dont la vie est cachée dans le Christ, constituent l’Église céleste, la partie la plus nombreuse de l’Église éternelle et totale. Dans le nom de Jésus nous rejoignons les saints qui portent son nom sur leur front (Ap 22,4),et les anges dont l’un dit à Marie : Tu appelleras ton fils du nom de Jésus (Lc 1,31), et Marie elle-même ; puissions-nous, dans l’Esprit, désirer entendre et répéter le nom de Jésus comme Marie l’entendit et le répéta !

Lev Gillet

7. LA CÈNE DU SEIGNEUR

Le nom de Jésus peut devenir pour nous une sorte d’Eucharistie. De même que le mystère de la chambre haute résumait la vie et la mission du Seigneur, ainsi un certain usage „eucharistique” du nom de Jésus rassemble et unifie les aspects de ce nom jusqu’ici considérés. L’Eucharistie sacramentelle ne rentre pas dans les limites de notre thème. Mais notre âme est aussi une chambre haute où Jésus désire manger la pâque avec ses disciples et où la Cène du Seigneur peut être célébrée à n’importe quel moment d’une manière invisible. Dans cette Cène purement spirituelle, le nom du Sauveur peut prendre la place du pain et du vin du sacrement. Nous pouvons faire du nom de Jésus une offrande d’action de grâces (et c’est là le sens originel du mot ” eucharistie „), le support et la substance d’un sacrifice de louange rendu au Père. Dans cette offrande intérieure et invisible, nous présentons au Père, en prononçant le nom de Jésus, un Agneau immolé, une vie donnée, un corps brisé, un sang répandu. Le nom sacré, dans cet usage sacrificiel qui en est fait, devient un moyen d’appliquer les fruits de l’oblation unique et parfaite du Golgotha.

Il n’y a pas de Souper du Seigneur sans communion. Notre Eucharistie invisible implique ce que la tradition a appelé ” communion spirituelle „, c’est-à-dire l’acte de foi et de désir par lequel l’âme se nourrit du corps et du sang du Christ sans user des éléments visibles du pain et du vin. Loin de nous toute pensée de diminuer, de sous-estimer le sacrement de l’Eucharistie tel que l’Église le pratique et que nous ne saurions simplement identifier à la communion spirituelle. Mais nous croyons être dans la tradition authentique de l’Église en proclamant la réalité d’un accès constant, invisible, purement spirituel, au corps et au sang du Christ, accès distinct d’une approche générale de sa personne, car il implique une relation spéciale entre nous-mêmes et le Sauveur considéré comme nourricier et nourriture des âmes. Or le nom de Jésus peut servir de forme, de support, d’expression à cet accès. Il peut nous être une nourriture spirituelle, une participation au Pain de Vie. Seigneur, donne-nous toujours de ce pain (Jn 6,34). Dans ce nom, dans ce pain, nous nous unissons à tous les membres du Corps mystique du Christ, à tous ceux qui s’asseyent au banquet du Messie, nous qui étant nombreux formons un seul pain et un seul corps (1 Co 10,17). Et, puisque l’Eucharistie annonce la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne(1 Co 2, 26), puisqu’elle est une anticipation du royaume éternel, l’usage” eucharistique du nom de Jésus possède aussi une signification ” eschatologique ” : il annonce la ” fin ” et le Second Avènement, il est une aspiration ardente, non seulement aux irruptions occasionnelles du Christ dans notre existence terrestre, mais à cette venue définitive du Christ jusqu’à nous que sera le moment de notre mort. Il y a une certaine manière de prononcer le nom de Jésus qui constitue une préparation à la mort, un bond de notre cœur au-delà de la barrière, un appel suprême au Fiancé que, sans l’avoir vu, nous aimons (1 P 1,8). Dire ” Jésus „, c’est alors répéter le cri de l’Apocalypse : Viens, Seigneur Jésus ! (Ap 22,20).

8. LE NOM ET L’ESPRIT

Quand nous lisons le livre des Actes, nous voyons quelle place centrale le nom de Jésus occupait dans le message et l’action des Apôtres. Par ceux-ci le nom du Seigneur Jésus était glorifié (Ac 19,17) ; c’est en ce nom que les signes miraculeux étaient accomplis et que les vies étaient changées. Après la Pentecôte, les Apôtres devinrent capables d’annoncer le Nom avec puissance. Il y a là un usage ” pentécostal ” du nom de Jésus, usage qui n’est pas le monopole des Apôtres, mais qui demeure ouvert à tous les croyants. Seule la faiblesse de notre foi et de notre charité nous empêche de renouveler au nom de Jésus les fruits de la Pentecôte, de chasser les démons, d’imposer les mains aux malades et de les guérir. Ainsi continuent de faire les saints. L’Esprit écrit le nom de Jésus en lettres de feu dans le cœur de ses élus. Ce nom y est une flamme ardente.

Mais il existe, entre le Saint-Esprit et l’invocation du nom de Jésus, un lien autre et plus intérieur que le ministère ” pentécostal ” du chrétien. En prononçant le nom du Sauveur, nous pouvons obtenir une certaine ” expérience ” (ce mot étant employé avec toutes les réserves qui s’imposent) de la relation entre le Fils et l’Esprit. Nous pouvons nous efforcer de coïncider avec la descente de la colombe sur Notre Seigneur, unir notre cœur (pour autant qu’une créature se puisse unir à une activité divine) à l’éternel mouvement de l’Esprit vers Jésus. Oh, si j’avais les ailes de la colombe !(Ps 54,7) non seulement pour prendre l’envol loin des tristesses terrestres mais pour me poser sur celui qui est tout mon bien ! Oh si je savais entendre la voix de la tourterelle (Ct 2, 12), prononcer avec des gémissements ineffables (Ro 8,26) le nom du Bien-Aimé ! Alors l’invocation du nom de Jésus serait une initiation au mystère du rapport d’amour entre le Christ et l’Esprit.

Lev Gillet, Un Moine de l’Eglise d’Orient, La prière de Jésus

Fire and Ice

by Robert Frost

Robert Frost

Some say the world will end in fire,
Some say in ice.
From what I’ve tasted of desire
I hold with those who favor fire.
But if it had to perish twice,
I think I know enough of hate
To say that for destruction ice
Is also great
And would suffice.

Un Moine… Prière de Jésus (3)

3. LES PREMIERS PAS : ADORATION ET SALUT

Il y a des degrés dans la ” prière de Jésus „. Elle s’approfondit et se dilate selon que nous découvrons dans le nom un contenu nouveau. Elle doit débuter comme adoration et sentiment de présence. Puis cette présence est éprouvée comme celle d’un Sauveur (car tel est le sens du mot ” Jésus „). L’invocation du nom est un mystère de salut en tant qu’il apporte une délivrance. Prononçant le nom, nous recevons déjà ce dont nous avons besoin. Nous le recevons dès maintenant en Jésus qui est, non seulement le donateur, mais le don ; non seulement le purificateur, mais toute pureté ; non seulement le nourricier des affamés et celui qui désaltère les assoiffés, mais la nourriture et le breuvage. Il est la substance de toutes choses bonnes (si nous ne prenons pas ce terme dans un sens rigoureusement métaphysique).

Son nom rend la paix à ceux qui sont tentés : au lieu de discuter avec la tentation, au lieu de considérer la tempête qui fait rage (ce fut, sur le lac, le tort de Pierre après son bon commencement), pourquoi ne pas regarder à Jésus seul et aller vers lui en marchant sur les flots, prenant refuge dans son nom ? Que l’homme tenté se recueille doucement et prononce le nom sans anxiété, sans fièvre, et que de ce nom il emplisse son cœur et fasse un barrage contre les vents mauvais. Et, si un péché a été commis, que le nom serve de réconciliation immédiate. Sans hésitations, sans retard, qu’il soit prononcé avec repentance, avec charité parfaite, et il deviendra aussitôt un signe de pardon ; et Jésus reprendra tout naturellement sa place dans la vie du pécheur, de même que, ressuscité, il revint s’asseoir si simplement à la table où les disciples qui l’avaient délaissé lui présentaient du poisson et du miel. Il ne s’agit évidemment pas de rejeter ou de sous-estimer les moyens objectifs de pénitence et l’absolution que l’Église offre au pécheur : nous ne parlons ici que de ce qui se passe dans le secret de l’âme.

4. INCARNATION

Le nom de Jésus est plus qu’un mystère de salut, plus qu’un secours dans les besoins, plus qu’un pardon après le péché. Il est un moyen par lequel nous pouvons nous appliquer à nous-mêmes le mystère de l’Incarnation. Au-delà de la présence, il apporte l’union. En prononçant le nom, nous intronisons Jésus dans nos cœurs, nous revêtons le Christ ; nous offrons notre chair à la Parole pour qu’elle l’assume dans son Corps mystique ; nous faisons déborder jusque dans nos membres soumis à la loi du péché la réalité intérieure et la force du mot ” Jésus „. Nous sommes ainsi rendus purs et consacrés. Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras (Ct 8,6). Ce n’est pas seulement une approche personnelle du mystère de l’Incarnation que nous procure l’invocation du nom de Jésus. Par cette prière nous entrevoyons la plénitude de celui qui remplit tout en tous (Ép 1,23).

5. TRANSFIGURATION

Le nom de Jésus est un instrument, une méthode de transfiguration. Prononcé par nous, il nous aide à transfigurer (sans aucune confusion panthéiste) le monde entier en Jésus Christ. Cela est vrai de la nature inanimée elle-même. L’univers matériel, qui n’est pas seulement le symbole visible de l’invisible beauté divine, mais qui s’efforce en gémissant vers le Christ et dont un mouvement mystérieux élève tout le devenir vers le Pain et le Vin du salut, cet univers murmure secrètement le nom de Jésus : …les pierres elles-mêmes crieront… (Lc 19,40), et il appartient au ministère sacerdotal de chaque chrétien d’exprimer cette aspiration, de prononcer le nom de Jésus sur les éléments de la nature, les pierres et les arbres, les fleurs et les fruits, la montagne et la mer, de donner son accomplissement au secret des choses, d’apporter la réponse à cette longue, muette et inconsciente attente.

Nous pouvons aussi transfigurer le monde animal. Jésus proclama qu’aucun passereau n’est oublié du Père et qui séjourna dans le désert avec les animaux (Mc 1,13), n’a pas laissé les bêtes hors de sa bonté et de son influence. Comme Adam dans le paradis nous avons à donner un nom à tous les animaux ; quel que soit le nom que la science leur donne, nous invoquerons sur chacun d’eux le nom de Jésus, leur rendant ainsi leur dignité primitive que si souvent nous oublions et rappelant qu’ils sont créés et aimés par le Père en Jésus et pour Jésus.

Mais c’est surtout par rapport aux hommes que le nom de Jésus nous aide à exercer un ministère de transfiguration. Jésus, qui, après la Résurrection, voulut plusieurs fois apparaître aux siens sous une autre forme (Mc 16,12) – le voyageur inconnu sur la route d’Emmaüs, le jardinier près de la tombe, l’étranger debout sur la rive du lac – continue à nous rencontrer, voilé, dans notre vie quotidienne et à nous confronter avec cet aspect si important de sa présence : sa présence en l’homme. Ce que nous faisons au moindre d’entre nos frères, c’est à lui que nous le faisons. C’est sous les traits des hommes et des femmes que nous pouvons, par les yeux de la foi et de l’amour, voir la face du Seigneur ; c’est en nous penchant vers la détresse des pauvres, des malades, des pécheurs, de tous les hommes, que nous pouvons poser notre doigt sur la marque des clous, plonger notre main dans le côté percé, acquérir la conviction personnelle de la Résurrection et de la présence réelle (sans confusion d’essence) de Jésus Christ dans son corps mystique, et dire avec Thomas : Mon Seigneur et mon Dieu ! (Jn 20,28). Or le nom de Jésus est un moyen concret et puissant de transfigurer les hommes en leur plus profonde et divine réalité. Ces hommes et ces femmes que nous croisons dans la rue, l’usine, le bureau, et ceux-là surtout qui nous semblent irritants et antipathiques, allons vers eux avec le nom de Jésus dans notre cœur et sur nos lèvres ; prononçons silencieusement sur eux ce nom (qui est leur vrai nom) ; nommons-les de ce nom dans un esprit d’adoration et de service.

Consacrons-nous à eux d’une manière pratique, si c’est possible, ou tout au moins par une aspiration intérieure, et c’est à Jésus Christ qu’en eux nous nous consacrons ; par la reconnaissance et l’adoration silencieuse de Jésus emprisonné dans le pécheur, dans le criminel, dans la prostituée, nous délivrons d’une certaine manière et ces pauvres geôliers et notre Maître. si nous voyons Jésus en chaque homme, si nous disons ” Jésus ” sur chaque homme, nous irons par le monde avec une vision nouvelle et avec un don nouveau de notre propre cœur. Nous pouvons ainsi (autant qu’il est en nous) transformer le monde et faire nôtre la parole de Jacob à son frère J’ai vu ta face, et c’est comme si j’avais vu la face de Dieu (Gn 33,10).

Un Moine de l’Eglise d’Orient

L. Gillet sur la prière de Jésus (2)

2. ÉPISODE OU MÉTHODE

L’invocation du nom sera pour certains un épisode sur leur route spirituelle ; pour d’autres elle sera plus qu’un épisode, elle sera l’une des méthodes dont ils se servent habituellement, sans être toutefois la méthode ; pour d’autres enfin, elle deviendra la méthode autour de laquelle s’organisera toute la vie intérieure. Décider, par un choix arbitraire, par un caprice, que ce dernier cas sera le nôtre serait bâtir un édifice qui s’écroulera misérablement. On ne choisit pas la ” prière de Jésus „. On y est appelé et conduit par Dieu, s’il le juge bon. On s’y consacre par obéissance à une vocation très spéciale, pour autant que d’autres obéissances n’ont as un droit de priorité. Si cette forme de prière ne fait pas obstacle à d’autres formes auxquelles nous nous devons en vertu de notre état, si elle s’accompagne d’un attrait pressant, si elle produit en nous des fruits de pureté, de charité et de paix, si nos conducteurs spirituels autorisés nous encouragent, il y a là, sinon des signes d’un appel, du moins des indices qui méritent d’être humblement et attentivement considérés.

La ” voie du Nom ” a été sanctionnée par beaucoup de Pères monastiques orientaux et aussi par plusieurs saints d’Occident ; elle est donc légitime et demeure ouverte. Mais l’on évitera tout zèle indiscret, toute propagande intempestive ; on ne criera pas avec une ferveur mal éclairée : ” C’est la meilleure prière „, et encore moins : ” C’est la seule prière „. On gardera dans leur pénombre les secrets du Roi. Ceux qui sont soumis à une communauté ou à une règle verront dans quelle mesure la voie du Nom est compatible avec les méthodes auxquelles ils doivent obéissance ; l’autorité compétente les aidera dans ce discernement.

De la prière liturgique ; nous n’avons rien à dire ici ; elle ne saurait entrer en conflit avec l’oraison individuelle et intérieure dont nous traitons. Nous nous garderons bien de suggérer à ceux dont la prière est un dialogue authentique avec le Seigneur ou à ceux qui se sont établis dans le grand silence des états contemplatifs d’abandonner leur oraison pour pratiquer la ” prière de Jésus „. Nous ne déprécierons aucune forme de prière. Car la meilleure prière est, en définitive, pour chacun, celle, quelle qu’elle soit, où l’acheminent le Saint-Esprit, et les circonstances, et des directions autorisées. Ce que nous dirons avec sobriété et vérité en faveur de la ” prière de Jésus „, c’est qu’elle aide à simplifier et à unifier notre vie spirituelle. Alors que des méthodes compliquées dispersent et fatiguent l’attention, cette prière qui consiste en un seul mot possède un pouvoir d’unification, d’intégration, bienfaisant aux âmes divisées dont le nom et le péché ” est légion ” (Mc 5,9). Le nom de Jésus, devenu le foyer d’une vie, rassemble tout. Mais qu’on n’aille pas s’imaginer que l’invocation du nom soit un moyen court qui dispense des purifications ascétiques. Le nom de Jésus est lui-même un instrument d’ascèse, un filtre au travers duquel ne doivent passer que les pensées, les paroles, les actes compatibles avec la divine et vivante réalité que ce nom symbolise. La croissance du nom dans notre âme implique une décroissance correspondante du moi séparé, la mort quotidienne à l’égoïsme dont tout péché découle.

Extrait du livre par „Un moine de l’Église d’Orient”,
La prière de Jésus, Chevetogne/Seuil (Livre de vie), 1963.

Un Moine de l’Eglise d’Orient – la prière de Jésus (1)

FORME DE LA PRIÈRE

L’Orient byzantin a désigné, assez inadéquatement, sous le terme de ” prière de Jésus ” toute invocation centrée sur le nom même du Sauveur. Cette invocation a revêtu des formes diverses, selon que le nom était employé seul ou inséré dans des formules plus ou moins développées. Il appartient d’ailleurs à chacun de déterminer ” sa ” propre forme de l’invocation du nom. Une cristallisation s’est opérée en Orient autour de la formule : ” Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur „, mais cette formule n’a pas été et n’est pas la seule. Est authentiquement ” prière de Jésus „, au sens byzantin, toute invocation répétée dont le nom de Jésus constitue le cœur et la force. On peut dire, par exemple : ” Jésus Christ „, ou ” Seigneur Jésus. ” La formule la plus ancienne, la plus simple, et, à notre avis, la plus facile est le mot ” Jésus ” employé seul. C’est dans ce sens que nous parlerons ici de la ” prière de Jésus „.

Ce mode de prière peut être prononcé ou seulement pensé. Il se trouve donc à la limite entre la prière vocale et la prière mentale, et aussi entre la prière méditative et la prière contemplative. Il peut être pratiqué en tout temps, en tout lieu : église, chambre, rue, bureau, atelier etc. On peut répéter le nom en marchant. Les débutants feront cependant bien de s’astreindre à une certaine régularité dans cette pratique et de choisir des heures fixes, des lieux solitaires. Cet entraînement systématique n’exclut d’ailleurs pas l’usage parallèle et entièrement libre de l’invocation du nom.

Avant de prononcer le nom de Jésus, il faut d’abord essayer de se mettre soi-même en état de paix et de recueillement, puis implorer l’aide du Saint-Esprit par lequel seul on peut dire que Jésus est le Seigneur (1 Co 11,3). Tout autre préliminaire est superflu. De même que, pour nager, il faut se jeter à l’eau, ainsi faut-il tout d’un coup se jeter dans le nom de Jésus. Ce nom ayant été prononcé une première fois avec une adoration aimante, il n’y a qu’à s’y attacher, à y adhérer, à le répéter lentement, doucement, tranquillement.

Ce serait une erreur de vouloir ” forcer ” cette prière, d’enfler intérieurement la voix, de chercher l’intensité et l’émotion. Lorsque Dieu se manifesta au prophète Élie, ce ne fut ni dans la tempête, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais bien dans le calme murmure qui leur succéda (1 Rs 19). Il s’agit de concentrer peu à peu tout notre être autour du nom et de laisser celui-ci, comme une tache d’huile, pénétrer et imprégner silencieusement notre âme. Dans l’acte d’invocation du nom, il n’est pas nécessaire de répéter ce dernier d’une manière continue. Le nom prononcé peut se ” prolonger ” dans des minutes de repos, de silence, d’attention purement intérieure : tel un oiseau alterne le battement d’ailes et le vol plané. Toute tension, toute hâte doivent être évitées. Si la fatigue survient, il faut interrompre l’invocation et la reprendre simplement lorsqu’on s’y sentira disposé.

Le but à atteindre et non une répétition littérale constante mais une sorte de latence et de quiescence du nom de Jésus dans notre cœur : Je dors, mais mon cœur veille (Ct 5,2). Et que l’on bannisse toute sensualité spirituelle, toute recherche de l’émotion. Sans doute il est naturel que nous espérions obtenir des résultats en quelque sorte tangibles, que nous voulions au moins toucher la frange du vêtement du Sauveur et ne le point laisser aller qu’il ne nous ait bénis ; mais ne pensons pas qu’une heure où nous aurons invoqué le nom sans rien ” sentir „, en demeurant apparemment froids et secs, ait été une heure perdue et inféconde. Cette invocation que nous pensions avoir été stérile sera au contraire très acceptable à Dieu, parce que techniquement pure, si l’on peut dire, parce que dépouillée de toute préoccupation de délices spirituelles et réduite à une offrande de la volonté nue. D’ailleurs, dans sa gracieuse miséricorde, le Sauveur enveloppe souvent son nom d’une atmosphère de joie, de chaleur et de lumière : Ton nom est un parfum répandu… Attire-moi (Ct 1,3-4).

Lev Gillet (Louis Gillet), est un prêtre et théologien orthodoxe français, recteur de la première paroisse orthodoxe de langue française, passeur entre l’Orient et l’Occident chrétien, né le 6 août 1893 à Saint-Marcellin (Isère) et décédé le 29 mars 1980 à Londres. Il est l’auteur de nombreux articles et livres qu’il signe souvent sous le nom d’« un moine de l’Église d’Orient ». (Wikipedia)

Papa Francisc explica rugaciunea Domnului

În itinerarul nostru de cateheză despre rugăciune, după ce am parcurs Vechiul Testament, ajungem acum la Isus. Şi Isus se ruga. Începutul misiunii sale publice are loc cu botezul în râul Iordan. Evangheliştii concordă în a atribui importanţă fundamentală acestui episod. Relatează cum tot poporul era recules în rugăciune şi specifică faptul că această adunare avea un caracter penitenţial clar (cf. Mc 1,5; Mt 3,8). Poporul mergea la Ioan pentru a se boteza pentru iertarea păcatelor: este un caracter penitenţial, de convertire.

Aşadar, primul act public al lui Isus este participarea la o rugăciune corală a poporului, o rugăciune a poporului care merge pentru a fi botezat, o rugăciune penitenţială, unde toţi se recunoşteau păcătoşi. Pentru aceasta Botezătorul ar vrea să se opună şi spune: „Eu am nevoie să fiu botezat de tine şi tu vii la mine?” (Mt 3,14). Botezătorul înţelege cine era Isus. Însă Isus insistă: actul său era unul care ascultă de voinţa Tatălui (v. 15), un act de solidaritate cu starea noastră umană. El se roagă cu păcătoşii din poporul lui Dumnezeu. Acest lucru să-l reţinem: Isus este cel drept, nu este păcătos. Însă el a voit să coboare până la noi, păcătoşii, şi el se roagă cu noi, şi atunci când noi ne rugăm el se roagă cu noi; el este cu noi pentru că este în cer rugându-se pentru noi. Isus se roagă mereu cu poporul său, mereu se roagă cu noi: mereu. Niciodată nu ne rugăm singuri, mereu ne rugăm cu Isus. Nu rămâne pe malul opus al fluviului – „Eu sunt drept, voi sunteţi păcătoşi” – pentru a marca diversitatea şi distanţa sa de poporul neascultător, ci îşi scufundă picioarele sale în aceleaşi ape de purificare. Se face ca un păcătos. Şi aceasta este măreţia lui Dumnezeu care l-a trimis pe Fiul său care s-a nimicit pe sine însuşi şi a apărut ca un păcătos.

Isus nu este un Dumnezeu îndepărtat, şi nu poate să fie aşa. Întruparea l-a revelat în mod complet şi omeneşte inimaginabil. Astfel, inaugurând misiunea sa, Isus se pune în fruntea rândului unui popor de penitenţi, ca şi cum și-ar lua obligația să deschidă o breşă prin care noi toţi, după el, trebuie să avem curajul de a trece. Însă calea, drumul, este dificilă; în el merge, deschizând calea. Catehismul Bisericii Catolice explică faptul că aceasta este noutatea plinătăţii timpului. Spune: „Rugăciunea filială, pe care Tatăl o aştepta de la fiii săi, este în sfârşit trăită de însuşi Fiul unicul născut în umanitatea sa, cu oamenii şi pentru oameni” (nr. 2599). Isus se roagă cu noi. Să punem acest lucru în cap şi în inimă: Isus se roagă cu noi.

În acea zi, pe malurile râului Iordan, este aşadar toată omenirea, cu dorinţele sale neexprimate de rugăciune. Este mai ales poporul celor păcătoşi: cei care credeau că nu pot să fie iubiţi de Dumnezeu, cei care nu îndrăzneau să meargă dincolo de pragul templului, cei care nu se rugau pentru că nu se simţeau vrednici. Isus a venit pentru toţi, şi pentru ei, şi începe tocmai unindu-se cu ei, în fruntea rândului.

Mai ales Evanghelia după Sfântul Luca scoate în evidenţă climatul de rugăciune în care a avut loc botezul lui Isus: „În timp ce tot poporul era botezat, a fost botezat şi Isus şi, pe când se ruga, cerul s-a deschis” (3,21). Rugându-se, Isus deschide poarta cerurilor şi din acea breşă coboară Duhul Sfânt. Şi din înălţime un glas proclamă adevărul minunat: „Tu eşti Fiul meu cel iubit, în tine îmi găsesc toată plăcerea” (v. 22). Această frază simplă cuprinde o comoară imensă: ne face să intuim ceva din misterul lui Isus şi al inimii sale îndreptate mereu spre Tatăl. În vârtejul vieţii şi al lumii care va ajunge să-l condamne, chiar şi în experienţele mai dure şi triste pe care va trebui să le suporte, chiar şi atunci când experimentează că nu are un loc unde să-şi rezeme capul (cf. Mt 8,20), chiar şi atunci când în jurul lui se dezlănţuie ura şi persecuţia, Isus nu este niciodată fără refugiul unei locuinţe: locuieşte veşnic în Tatăl.

Iată măreţia unică a rugăciunii lui Isus: Duhul Sfânt ia în stăpânire persoana sa şi glasul Tatălui atestă că el este cel iubit, Fiul în care el se oglindeşte pe deplin.

Această rugăciune a lui Isus, care pe malurile râului Iordan este total personală – şi aşa va fi în toată viaţa sa pământească -, la Rusalii va deveni prin har rugăciunea tuturor celor botezaţi în Cristos. El însuşi ne-a obţinut acest dar şi ne invită să ne rugăm aşa cum se ruga el.

Pentru aceasta, dacă într-o seară de adoraţie ne simţim vlăguiţi şi goi, dacă ni se parte că viaţa a fost complet inutilă, în acea clipă trebuie să implorăm ca rugăciunea lui Isus să devină şi a noastră. „Eu nu pot să mă rog astăzi, nu ştiu ce să fac: nu mă simt în stare, sunt nevrednic, nevrednică”. În acel moment, trebuie să ne încredinţăm lui pentru ca să se roage pentru noi. El în acest moment este în faţa Tatălui rugându-se pentru noi, este mijlocitorul; îi arată Tatălui rănile, pentru noi. Să avem încredere în asta! Dacă noi avem încredere, vom auzi atunci un glas din cer, mai puternic decât acela care se înalţă din străfundurile noastre şi vom auzi acest glas şoptind cuvinte de duioşie: „Tu eşti cel iubit de Dumnezeu, tu eşti fiu, tu eşti bucuria Tatălui din ceruri”. Tocmai pentru noi, pentru fiecare dintre noi răsună cuvântul Tatălui: chiar dacă am fi respinşi de toţi, păcătoşi din cea mai rea specie. Isus n-a coborât în apele Iordanului pentru el însuşi, ci pentru noi toţi. Era tot poporul lui Dumnezeu care se apropia de Iordan pentru a se ruga, pentru a cere iertare, pentru a face acel botez de pocăinţă. Şi aşa cum spune acel teolog, se apropiau de Iordan „cu sufletul gol şi picioarele goale”. Aşa este umilinţa. Pentru a ne ruga este nevoie de umilinţă. A deschis cerurile, aşa cum Moise a deschis apele Mării Roşii, pentru ca noi toţi să putem trece în urma lui. Isus ne-a dăruit însăşi rugăciunea sa, care este dialogul de iubire cu Tatăl. Ne-a dăruit-o ca o sămânţă a Treimii, care vrea să încolţească în inima noastră. Să o primim! Să primim acest dar, darul rugăciunii. Mereu cu el. Şi nu vom greşi.

Papa Francisc: Audienţa generală de miercuri, 28 octombrie 2020

Cateheze despre rugăciune: 12. Isus, om al rugăciunii

Traducere de pr. Mihai Pătraşcu

Preluat de pe ercis.ro

„…we suffer more often in imagination than in reality”

The great first-century Roman philosopher Seneca examined it, and its only real antidote, with uncommon insight in his correspondence with his friend Lucilius Junior, later published as Letters from a Stoic — the timeless trove of wisdom that gave us Seneca on true and false friendship and the mental discipline of overcoming fear.

In his thirteenth letter, titled “On groundless fears,” Seneca writes:

There are more things … likely to frighten us than there are to crush us; we suffer more often in imagination than in reality.

With an eye to the self-defeating and wearying human habit of bracing ourselves for imaginary disaster, Seneca counsels his young friend:

What I advise you to do is, not to be unhappy before the crisis comes; since it may be that the dangers before which you paled as if they were threatening you, will never come upon you; they certainly have not yet come.

Accordingly, some things torment us more than they ought; some torment us before they ought; and some torment us when they ought not to torment us at all. We are in the habit of exaggerating, or imagining, or anticipating, sorrow.

Fragment de predica

A pr Delfieux (1934-2013), Paris, Saint-Gervais

A întâmpina şi interioriza iubirea cu care Cel dintâi

ne iubeşte Dumnezeu

e calea către împlinire şi bucurie.

De-am şti s-o primim cu adevărat,

câte suferinţe ar fi uşurate, vindecate, alinate,

câte nevroze, câte carenţe afective, câte întunecări spirituale…!

Căci Tatăl însuşi ne iubeşte (In 16,27).

În palmele mâinilor ce au zidit lumea, Isaia ne spune atât de grăitor că Dumnezeu ne-a „însemnat” indelebil numele:

Iată, te-am însemnat în palmele mele (Is 46,4).

Până la bătrâneţea voastră Eu sunt Acelaşi,

până la adâncile voastre cărunteţe vă voi ocroti.

Precum am făcut în trecut,

mă leg înaintea voastră

că vă voi ocroti şi vă voi izbăvi şi în viitor (Is 46,4).

Oare femeia uită pe pruncul ei şi de rodul pântece­lui ei n-are ea milă? Chiar când ea îl va uita, eu nu te voi uita (Is 49,15).

Acesta e adevărul cel dintâi şi cel de pe urmă,

Vestea cea Bună ce o avem de vestit lumii:

Trebuie ca lumea să creadă că Tu m-ai trimis…

şi că i-ai iubit pe ei

aşa cum m-ai iubit pe mine (In 17,23).

Iar dragostea lui Dumnezeu, spune sfântul Paul,

a fost revărsată în inimile noastre

de către Duhul Sfânt ce ni s-a dat (Rom 5,5).

Nimic nu poate opri revărsarea iubirii unui Dum­nezeu

pe care chiar cuvântul lui îl arată ca Părinte al milos­tivirii.

Nimic ne va despărţi de iubirea lui Cristos (Rom 8,35).

Nimic nu va putea stinge văpaia iubirii divine,

care este Duhul Sfânt.

(…) Primind iubira, vom putea spune poate, la rândul nostru, împreună cu sfânta Tereza a Pruncului Isus,

că “ne-am găsit în iubire vocaţia”.

Vom înţelege cândva cât de mult se aseamănă

cea de-a doua poruncă cu cea dintâi (Mt 22,39).

Fiindcă atât de mult a pus Dumnezeu în om din El,

încât există în germen, în fiecare din noi, dorul de iubirea cea dintâi ce vine ea în întâmpinarea noastră.

Un asemenea fel de a vedea lucrurile schimbă totul.

O dată pentru întotdeauna, scrie sfântul Augustin,

ţi se dă acest scurt precept:

iubeşte şi fă ceea ce doreşti.

Dacă taci, taci din iubire.

Dacă vorbeşti, vorbeşte din iubire.

Dacă cerţi, ceartă din iubire.

Dacă ierţi, iartă din iubire.

Poartă în străfundul sufletului rădăcina iubirii.

Dintr-o asemenea rădăcină nu poate ieşi decât bine.

Ajunge să iubeşti, căci nu există nimic dincolo de iubire.

Iubirea e totul, purifică totul, luminează totul.

Iubirea este îndelung răbdătoare, iubirea este binevoitoare,

nu este invidioasă, iubirea nu se laudă, nu se mândreşte.

Ea nu se poartă necuviincios, nu caută la ale sale,

nu se mânie, nu ţine cont de rău.

Nu se bucură de nedreptate, ci se bucură de adevăr.

Toate le suportă, toate le crede,

toate le speră, toate le îndură (1Cor 13,4-7).

Înţelegem acum mai bine pentru ce, meditând la aceste cuvinte,

„mica” Tereza a încetat să mai dorească vreo altă vocaţie decât cea de a iubi.

„Şi atunci, cuprinsă de o bucurie fără seamăn,

am exclamat: În inima Bisericii, voi fi Iubirea… ast­fel voi fi totul…”

Ten Learnings

From Maria Popova, Brain Pickings

Here are the initial ten learnings, as published in 2016, which I continue to stand and live by:

  1. Allow yourself the uncomfortable luxury of changing your mind. Cultivate that capacity for “negative capability.” We live in a culture where one of the greatest social disgraces is not having an opinion, so we often form our “opinions” based on superficial impressions or the borrowed ideas of others, without investing the time and thought that cultivating true conviction necessitates. We then go around asserting these donned opinions and clinging to them as anchors to our own reality. It’s enormously disorienting to simply say, “I don’t know.” But it’s infinitely more rewarding to understand than to be right — even if that means changing your mind about a topic, an ideology, or, above all, yourself.
  2. Do nothing for prestige or status or money or approval alone. As Paul Graham observed, “prestige is like a powerful magnet that warps even your beliefs about what you enjoy. It causes you to work not on what you like, but what you’d like to like.” Those extrinsic motivators are fine and can feel life-affirming in the moment, but they ultimately don’t make it thrilling to get up in the morning and gratifying to go to sleep at night — and, in fact, they can often distract and detract from the things that do offer those deeper rewards.
  3. Be generous. Be generous with your time and your resources and with giving credit and, especially, with your words. It’s so much easier to be a critic than a celebrator. Always remember there is a human being on the other end of every exchange and behind every cultural artifact being critiqued. To understand and be understood, those are among life’s greatest gifts, and every interaction is an opportunity to exchange them.
  4. Build pockets of stillness into your life. Meditate. Go for walks. Ride your bike going nowhere in particular. There is a creative purpose to daydreaming, even to boredom. The best ideas come to us when we stop actively trying to coax the muse into manifesting and let the fragments of experience float around our unconscious mind in order to click into new combinations. Without this essential stage of unconscious processing, the entire flow of the creative process is broken. Most important, sleep. Besides being the greatest creative aphrodisiac, sleep also affects our every waking moment, dictates our social rhythm, and even mediates our negative moods. Be as religious and disciplined about your sleep as you are about your work. We tend to wear our ability to get by on little sleep as some sort of badge of honor that validates our work ethic. But what it really is is a profound failure of self-respect and of priorities. What could possibly be more important than your health and your sanity, from which all else springs?
  5. When people tell you who they are, Maya Angelou famously advised, believe them. Just as important, however, when people try to tell you who you are, don’t believe them. You are the only custodian of your own integrity, and the assumptions made by those that misunderstand who you are and what you stand for reveal a great deal about them and absolutely nothing about you.
  6. Presence is far more intricate and rewarding an art than productivity. Ours is a culture that measures our worth as human beings by our efficiency, our earnings, our ability to perform this or that. The cult of productivity has its place, but worshipping at its altar daily robs us of the very capacity for joy and wonder that makes life worth living — for, as Annie Dillard memorably put it, “how we spend our days is, of course, how we spend our lives.”
  7. “Expect anything worthwhile to take a long time.” This is borrowed from the wise and wonderful Debbie Millman, for it’s hard to better capture something so fundamental yet so impatiently overlooked in our culture of immediacy. The myth of the overnight success is just that — a myth — as well as a reminder that our present definition of success needs serious retuning. The flower doesn’t go from bud to blossom in one spritely burst and yet, as a culture, we’re disinterested in the tedium of the blossoming. But that’s where all the real magic unfolds in the making of one’s character and destiny.
  8. Seek out what magnifies your spirit. Patti Smith, in discussing William Blake and her creative influences, talks about writers and artists who magnified her spirit — it’s a beautiful phrase and a beautiful notion. Who are the people, ideas, and books that magnify your spirit? Find them, hold on to them, and visit them often. Use them not only as a remedy once spiritual malaise has already infected your vitality but as a vaccine administered while you are healthy to protect your radiance.
  9. Don’t be afraid to be an idealist. There is much to be said for our responsibility as creators and consumers of that constant dynamic interaction we call culture — which side of the fault line between catering and creating are we to stand on? The commercial enterprise is conditioning us to believe that the road to success is paved with catering to existing demands — give the people cat GIFs, the narrative goes, because cat GIFs are what the people want. But E.B. White, one of our last great idealists, was eternally right when he asserted half a century ago that the role of the writer is “to lift people up, not lower them down” — a role each of us is called to with increasing urgency, whatever cog we may be in the machinery of society. Supply creates its own demand. Only by consistently supplying it can we hope to increase the demand for the substantive over the superficial — in our individual lives and in the collective dream called culture.
  10. Don’t just resist cynicism — fight it actively. Fight it in yourself, for this ungainly beast lays dormant in each of us, and counter it in those you love and engage with, by modeling its opposite. Cynicism often masquerades as nobler faculties and dispositions, but is categorically inferior. Unlike that great Rilkean life-expanding doubt, it is a contracting force. Unlike critical thinking, that pillar of reason and necessary counterpart to hope, it is inherently uncreative, unconstructive, and spiritually corrosive. Life, like the universe itself, tolerates no stasis — in the absence of growth, decay usurps the order. Like all forms of destruction, cynicism is infinitely easier and lazier than construction. There is nothing more difficult yet more gratifying in our society than living with sincerity and acting from a place of largehearted, constructive, rational faith in the human spirit, continually bending toward growth and betterment. This remains the most potent antidote to cynicism. Today, especially, it is an act of courage and resistance.
  11. https://www.brainpickings.org/2019/10/23/13-learnings-13-years/?mc_cid=9120b57aeb&mc_eid=e3703c47a5