Laisse Dieu parler
Homélie de fr Charles-Marie, le 24 janvier 2021 |Eglise Saint-Jean Strasbourg
Texte de l’évangile : Mc 1, 14-20
La relation à Dieu, c’est un appel et une réponse, un appel et une réponse, etc. Cependant beaucoup de gens ont l’impression d’appeler en vain, de ne pas avoir de réponse, ils ne savent plus comment parler à Dieu. Alors ils commencent à se taire un peu, puis à écouter, et ils comprennent : en fait c’est Dieu qui appelle, et c’est à l’homme de répondre. Le plus important n’est pas de savoir comment parler à Dieu, mais comment le laisser parler, comment l’écouter, comment percevoir son appel.
Dans l’évangile de ce dimanche, pas un mot de la part des hommes à qui Jésus s’adresse. On n’entend qu’une parole, celle de Jésus : Dieu appelle, Dieu appelle et parle le premier. L’âme de la vie spirituelle, c’est l’écoute.
L’écoute de la Parole de Dieu est une aventure qu’on pourrait oser résumer en deux mots : conversion et rencontre.
- L’écoute de la Parole de Dieu est une conversion.
Regardons la première scène que nous présente l’évangile : « Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu s’est approché. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
La première parole de Jésus adressée à l’humanité est un appel à la conversion. Conversion par l’écoute : « convertissez-vous et croyez à l’Évangile » ; écouter, accueillir l’Evangile, c’est cela la conversion.
Laissons-nous surprendre par la teneur de ce message. Jésus ne dit pas « convertissez-vous, et alors pourra venir le règne de Dieu ». C’est l’inverse : « le règne de Dieu est déjà là, il a déjà fait le chemin jusqu’à vous, alors ne passez pas à côté ; cette Bonne nouvelle attend votre réponse ». Quand Dieu commence à parler à l’homme, c’est toujours un appel à la conversion, car Dieu doit commencer par libérer l’homme de sa surdité spirituelle : « sors de ta distraction, arrête-toi de courir et de discourir, écoute ! » Le règne de Dieu est peut-être juste derrière toi, tout proche, il suffirait que tu te retournes, que tu « convertisse » l’attention de ton cœur.
La première chose que fait la Parole de Dieu quand elle essaie de nous atteindre c’est de nous apprendre à nous taire, à écouter. C’est une vraie conversion, et même une révolution : le centre n’est plus moi, mes attentes, mes cris, le centre c’est Lui, Lui qui va me parler, Lui qui a quelque chose à me dire, une chose importante et que je ne sais pas encore.
La Bible insiste sur l’action purifiante de la Parole de Dieu. Quand on verse de l’eau pure dans un vase rempli de détritus, cette eau chasse la saleté en occupant progressivement l’espace. De même quand on s’imprègne le cœur d’une parole tirée de la sainte Ecriture, on se lave des pensées plaintives, orgueilleuses ou simplement futiles, qui sont comme les toxines de l’âme. C’est la Parole de Dieu elle-même qui nous assainit intérieurement, elle prépare en nous une plus grande attention à Dieu. Elle nous convertit.
2. L’écoute de la Parole de Dieu est une rencontre.
Regardons le deuxième tableau que nous présente l’évangile de ce dimanche. Jésus est toujours au centre de la scène, il appelle encore. La grande différence, c’est que nous savons maintenant à qui il s’adresse, nous pouvons nommer les destinataires, ce n’est plus un appel global à la conversion et à l’attention, c’est une invitation personnelle : « suis-moi ». C’est une rencontre, et une rencontre qui va transformer des vies concrètes, celles de Simon, André, Jacques et Jean.
Le secret d’une lecture priante de la Parole de Dieu, c’est exactement cela : passer de l’écoute à la rencontre, passer du Dieu qui parle au Dieu qui me parle, me laisser atteindre personnellement. Si je lis un article de journal, je cherche à obtenir des informations mais je m’intéresse rarement au journaliste qui parle, il n’y a pas de rencontre. Si un fiancé reçoit une lettre d’amour, il la lit et relit, car le plus important pour lui n’est pas ce qui est dit, mais la personne qui le dit, et même s’il finit par connaître par cœur le contenu du message, il relit encore car la lecture est une rencontre à chaque fois renouvelée, le message véhicule une présence. D’une façon bien plus réelle encore, une page de la Bible est une terre sainte à travers laquelle une présence m’attend. Quand je lis, Dieu me cherche.
Saint Isaac le Syrien, moine au 7ème siècle compare chaque page de la Bible au foyer d’une cheminée rempli de braises encore chaudes, certaines paraissent éteintes, d’autres s’illuminent au moindre souffle. Ainsi les mots et les phrases d’un texte biblique : certains ne s’éclairent pas mais d’autres scintillent pour nous et peuvent même nous brûler, tout dépend de l’action du souffle, c’est-à-dire de l’Esprit-Saint qui va sensibiliser notre cœur et nous faire reconnaître ce que Dieu nous dit personnellement. La Parole de Dieu devient appel personnel, rencontre.
Si je mets la Bible dans ma vie, je découvre peu à peu que ma vie est dans la Bible. En lisant la Genèse, je peux mettre dans la marge, à certains endroits précis, un hashtag « #JesuisAbraham », en lisant l’exode, le hashtag « #JesuisMoïse », etc.
Et si la Parole de Dieu parlait aussi de moi ? …comme le livre que sainte Odile tient dans la main, ce livre sur lequel se dessinent des yeux : c’est la Parole de Dieu qui me lit plus que je ne la lis.
Finalement notre meilleure technique de lecture ne se trouve peut-être pas où l’on pense : le plus efficace, c’est notre vulnérabilité. Le plus fort c’est d’apprendre à se laisser toucher, provoquer, surprendre, par les mots de la Sainte Ecriture.
Jacob a gagné le mystérieux combat contre Dieu en se laissant blesser par lui. Puissions-nous vivre souvent cette expérience où « le glaive de la Parole de Dieu » nous blesse et nous touche à cette profondeur qu’aucune autre parole n’atteint.
Amen