Aimer qui me déteste ? Je ne le pourrai jamais !
«… pendant que tu es en chemin avec ton frère…»
Où se trouve-t-il donc, ce « chemin» ? Peut-on le mesurer en mètres et en kilomètres ? Ne serait-il plutôt à trouver entre mon frère et moi, dans notre relation abîmée… laquelle affecte même notre commune alliance avec Dieu ?
C’est Dieu, je ne l’oublierai pas, qui est le but ultime de toute démarche de réconciliation. C’est lui qui me commande d’être juste. C’est lui qui me donnera la force de courir vers mon frère que j’ai blessé, pour me réconcilier avec lui « avant de présenter mon offrande ».
Bien sûr, la réconciliation n’est jamais facile. Ni pour les individus, ni pour les communautés. Si je ne puis aller vers mon frère, disait saint Augustin, « avec les pieds du corps », je pourrai aller vers lui «par une pensée charitable ».
Ce ne sera pas «la lente démarche du corps », mais « le rapide élan de l’amour». Ma patience peut avoir ses limites, ma charité peut tomber en panne, ma demande de pardon, difficile. Mais le Père des miséricordes est là, prêt à me porter secours.
Aimer ses ennemis. C’est plutôt difficile à entendre, et pas du tout dans l’air du temps. Regardons autour de nous : sont-ils si nombreux, les gens qui vont jusqu’à aimer ceux qui leur font du mal ? Alors même qu’il est si difficile de ne pas les détester…
Regardons en nous-mêmes, examinons-nous à la lumière de cette incroyable parole. Humainement, c’est au-dessus de nos forces. Nos cœurs, le plus souvent, se ferment face à nos agresseurs. Mais puisque le Seigneur le demande… il doit bien y avoir quelque chose qui permet d’accomplir ce commandement.
Ce quelque chose, c’est la grâce, une grâce, des grâces, à demander encore et encore. Qui plus est, à accueillir dans un cœur vidé de l’amour de soi. La puissance bienveillante de Dieu opérera, à son heure, notre conversion. Car la grâce du Dieu rend possible jusqu’à l’inconcevable perfection !
L’homme monte en vain. Dieu descend. Il ne descend pas beaucoup plus pour le pécheur que pour le juste.
Marie Noël
Saint Césaire d’Arles (470-543) moine et évêque Sermons au peuple, n°25 |
« Va d’abord te réconcilier avec ton frère »
Il y a une miséricorde dans le ciel à laquelle on parvient par la miséricorde sur cette terre. (…) Et il y a deux sortes d’aumône : l’une bonne, l’autre meilleure. L’une qui consiste à offrir un morceau de pain aux pauvres ; l’autre à pardonner aussitôt à ton frère qui a péché contre toi. Avec l’aide du Seigneur, empressons-nous de pratiquer ces deux sortes d’aumône pour pouvoir recevoir le pardon éternel et la vraie miséricorde du Christ. Car lui-même, il a dit : « Si vous pardonnez, votre Père vous pardonnera aussi vos péchés ; si vous ne pardonnez pas, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos péchés » (Mt 6,14s). Et l’Esprit Saint s’écrie ailleurs : « L’homme garde sa colère envers l’homme et il cherche auprès de Dieu un remède ? Il n’a pas de miséricorde pour un homme, son semblable, et il demande à Dieu miséricorde ? » (cf Si 28,3s). |
Hâtons-nous, autant que nous le pouvons et tant que nous vivons, d’avoir ces deux sortes d’aumône et de les distribuer aux autres. Ainsi au jour du jugement nous pourrons dire en toute assurance : « Donne, Seigneur, parce que nous avons donné. » |