Homélie pour la solennité de Jésus Christ et Roi de l’Univers — Blogue du Moine ruminant

Nous fêtons aujourd’hui la solennité du Christ-Roi, une fête qui vient clore l’année liturgique où, pour la seule fois de l’année, nous célébrons l’identité même de Jésus en tant que Messie et Roi de l’Univers. Les trois années liturgiques soulignent toutes cette fête, mais avec un évangile différent : soit en évoquant l’entrée de Jésus […]

Homélie pour la solennité de Jésus Christ et Roi de l’Univers — Blogue du Moine ruminant

Méditation de l’évangile du dimanche 13 novembre

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 21, 5-19.

La splendeu du Temple

On voit dans l’Évangile Jésus discuter amicalement avec ses apôtres :

„Comme Il sortit du Temple, un de ses disciples lui dit : Maître, vois quelles pierres et quelles constructions !

Et Jésus lui dit : Tu vois ces grandes constructions ?…Il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée”

Devant la splendeur du Temple, Jésus met en garde ses apôtres : l’essentiel ne réside pas là. C’est déjà ce qu’Il affirmait à la Samaritaine :

„Femme, lui dit Jésus, crois-moi : l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père…Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons ce que nous connaissons, car le salut doit venir des juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité. Aussi bien, ce sont ceux-là que le Père cherche pour adorateurs : Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit et vérité”

Il ne voit pas l’avenir du monde, dans la perspective d’un Israël terrestre, mais d’un Israël spirituel.

„Et ils l’interrogèrent, disant : Maître, quand donc sera cela, et quel sera le signe lorsque cela devra arriver ? Or, Il leur dit : prenez garde d’être induits en erreur. Car plusieurs viendront sous mon nom, en disant : c’est moi, et le temps est proche. Ne vous mettez pas à leur suite”

Si nombreux sont ceux qui, au cours des siècles, se donnent comme le Salut. Tant de doctrines philosophiques, religieuses, politiques, tant d’idéologies ! Mille ans de paix ! Nous l’avons entendu proclamer durant la guerre la plus meurtrière de l’histoire…Il nous est difficile de croire à ces prophètes

„Ne vous mettez pas à leur suite”

Jésus se donne ici comme l’unique Sauveur. Il est la pierre angulaire sur laquelle il faut construire notre vie. Il y a ici beaucoup plus que le Temple et que les magnifiques pierres de ses fondations.

Père Gabriel

pere-David

„Merci, Seigneur, de m’avoir créée” (Claire d’Assise)

Par Joseph Suenens

Il est essentiel que nous sachions remercier Dieu. De quoi ? Mais tout d’abord d’être Dieu ; c’est la grande prière de reconnaissance à son égard. Merci, Seigneur, dit le Gloria de la messe, pour votre immense gloire. Remercier Dieu d’être Dieu, dans la communion à sa joie propre. Charles de Foucauld exprimait sa gratitude en disant à Dieu, au milieu de ses peines et de ses croix personnelles, ce mot qui est un élan d’adoration très pure et une mise en place de toutes choses : « Mon Dieu, votre bonheur me suffit. » Ce merci-là, c’est la charité théologale en toute logique.

Il faut remercier Dieu aussi pour tout ce que nous lui devons. Il y a là un motif permanent d’allégresse et de reconnaissance. On n’en finirait pas d’énumérer ses bienfaits. Qu’il nous suffise de dire qu’il nous faut remercier Dieu d’être notre Père, car nous avons la joie d’être en toute vérité ses enfants : nous sommes des naturalisés divins, des fils d’adoption.

Et remercier Dieu d’être notre Frère, d’être devenu l’un d’entre nous pour que, en lui et par lui, nous entrions dans la famille divine avec pleins droits et part entière.

Et remercier Dieu d’être sanctifiés par l’Esprit « qui fait les saints et les vivants », qui veut nous faire pénétrer dans la profondeur même de Dieu et nous associer à l’élan de son amour.

Il faut savoir remercier aussi pour chaque objet mis à notre disposition : pour cette maison qui nous abrite, cette table, se lit, ce fauteuil, ces livres, cette lampe qui brûle, ce feu qui réchauffe, ces amis rencontrés au hasard de la vie, et mille et mille autres choses à portée de la main. C’est Dieu qui nous a donné cela à travers les causes secondes. C’est vers lui que doit monter la gratitude comme vers la cause suprême de tous nos biens.

Il est souvent intéressant et éclairant de saisir au vol les dernières paroles prononcées ici-bas par quelque âme d’élite. Parfois elles traduisent toute une vie et ouvrent des horizons sur la spiritualité qui l’anima. Connaissez-vous l’ultime prière de sainte Claire, cette âme fraîche et pure qui fit écho si généreusement à l’Évangile ? Sentant qu’elle allait mourir, elle se tourna vers Dieu dans une ultime prière et on l’entendit murmurer ces mots : « Merci, Seigneur, de m’avoir créée. »

https://www.youtube.com/watch?v=Ewadrjvr3GQ&ab_channel=Gaudete

C’est le suprême merci que la créature doit à son Créateur, c’est le cri d’une âme qui a compris la splendeur de la reconnaissance.

Etre disciple

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 14,25-33.

En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit :
« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple.
Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.
Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?
Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui
“Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !”
Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ?
S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.
Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris


Commentaire patristique

Philoxène de Mabboug (?-v. 523)
évêque en Syrie
Homélies, n° 9 ; SC 44 (trad. E. Lemoine; Éd. du Cerf 1956; rev.)

Être son disciple

Écoute la voix de Dieu qui te pousse à sortir de toi pour suivre le Christ (…), et tu seras un disciple parfait : « Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. » Après cela, qu’as-tu à dire ? Que peux-tu répondre ? Toutes tes hésitations et tes questions tombent devant cette seule parole. (…) Et le Christ dit dans un autre endroit : « Celui qui se détache de sa vie en ce monde la garde pour la vie éternelle. (…) Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera » (Jn 12,25s).
Il a dit encore à ses disciples : « Levez-vous, partons d’ici ! » (Jn 14,31) Par cette parole, il a montré que ni sa place ni celle de ses disciples n’est ici. Où irions-nous donc, Seigneur ? « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12,26). Si Jésus nous crie : « Levez-vous, partons d’ici ! », qui sera donc assez sot pour consentir à rester avec les cadavres dans leurs tombeaux et à habiter parmi les morts ? Chaque fois donc que le monde veut te retenir, rappelle-toi la parole du Christ : « Levez-vous, partons d’ici ! » (…) Chaque fois que tu veux t’asseoir, t’installer, te complaire à rester là où tu es, rappelle-toi cette voix pressante et dis-toi : « Lève-toi, allons-nous-en d’ici. »
  Car de toute façon, il faudra t’en aller. Mais va-t’en comme Jésus s’en va : va-t’en parce qu’il te l’a dit, non parce que les lois de la nature t’emportent malgré toi. Que tu le veuilles ou non, tu es sur le chemin de ceux qui partent. Pars donc à cause de la parole de ton Maître, et non par la nécessité de la contrainte. « Lève-toi, partons d’ici ! » Cette voix éveille les assoupis : c’est la trompette qui chasse le sommeil de la paresse par sa sonnerie. C’est une force et non une parole : soudain elle revêt celui qui la sent d’une force nouvelle et le pousse d’une chose à une autre en un clin d’œil. (…) « Levez-vous, partons d’ici » : voici que lui aussi s’en va avec toi ; pourquoi t’attardes-tu ? (…) Dieu t’appelle à t’en aller en sa compagnie.

Un homme de dialogue et de paix

In memoriam Mgr Kallistos Ware (1934-2022)

Ami fidèle de l’Institut Saint-Serge, le métropolite Kallistos (Ware) s’est endormi dans le Seigneur le 24 août 2022, à l’âge de 87 ans.

Né Timothy Ware le 11 septembre 1934 en Angleterre, à Bath (Somerset), il avait été élevé dans l’Église anglicane. Son instruction s’est déroulée à la Westminster School (Londres) et au Magdalen College de l’Université d’Oxford, où il a obtenu une double maîtrise en Langues classiques (Classics) et en Théologie. Il a également fait des études de lettres classiques à l’Université américaine de Princeton.

En 1958, à de 24 ans, il devient membre de l’Église orthodoxe. Il voyage ensuite en Grèce, séjournant longtemps au Monastère Saint-Jean-le-Théologien de Patmos. Il a également fréquenté d’autres lieux importants de l’Orthodoxie comme Jérusalem et le Mont Athos. Alors qu’il était encore laïc, il a passé 6 mois au Canada dans un monastère de l’Église orthodoxe russe. En 1964 paraît la 1re édition de son célèbre livre L’Église orthodoxe.

En 1966, il est ordonné prêtre au sein du Patriarcat œcuménique et est tonsuré moine sous le nom de Kallistos. La même année, il devient conférencier en études orthodoxes à l’Université d’Oxford, poste qu’il occupera pendant 35 ans jusqu’à sa retraite en 2001. En 1970, il est nommé Fellow au Pembroke College à Oxford.

En juin 1982, il est élu et consacré évêque auxiliaire avec le titre d’« évêque de Diokleia », recevant la tâche d’assister dans ses fonctions l’évêque de l’archidiocèse de Thyatire et de Grande-Bretagne (Patriarcat œcuménique). Dans son premier sermon en tant qu’évêque, il suggéra que la diversité des vies de saints révèle que chacun de nous est un chemin unique vers le salut. Dans ses homélies hebdomadaires, il mettait l’accent sur la puissance du nom de Jésus, l’appel à la conscience de soi, l’attente des épreuves et la primauté de l’action de grâce. Il soulignait que la prière est une offrande de gloire, plutôt qu’une liste de plaintes.

Malgré sa consécration épiscopale, Mgr Kallistos poursuivit une vie simple à Oxford avec ses deux tâches de pasteur de la communauté grecque orthodoxe locale et de conférencier à l’Université. Nombreux sont ceux qui, en séjour à Oxford, ont pu jouir de son accueil chaleureux et de son hospitalité. Depuis sa retraite en 2001, il continuait à publier et à donner des conférences sur l’Orthodoxie. Jusqu’à récemment, il présidait le directoire de l’Institute for Orthodox Christian Studies de Cambridge. Il a été longtemps président du groupe des Amis de l’Orthodoxie de l’île de Iona et des Amis du Mont Athos. Le 30 mars 2007, le saint-synode du Patriarcat œcuménique a élevé le Diocèse de Diokleia au rang de métropole et Mgr Kallistos a reçu le titre de Métropolite de Diokleia.

Mgr Kallistos était non seulement un père spirituel, mais aussi un grand pédagogue, un conférencier extraordinaire et un authentique théologien, soulignant la dimension priante et spirituelle de toute quête théologique en perspective orthodoxe. Il a écrit ou édité plus d’une douzaine de livres, de nombreux articles dans un large éventail de revues (notamment la revue de théologie orthodoxe Contacts), et des essais dans des livres sur de nombreux sujets, tout en fournissant des préfaces, des avant-propos ou des introductions à de nombreux ouvrages. Il est surtout connu par son ouvrage de synthèse L’Église orthodoxe, publié alors qu’il était encore laïc en 1963 et révisé en 1993, l’une des meilleures introductions à l’orthodoxie. En 1979, il a publié un volume complémentaire, The Orthodox Way. Il a dirigé la traduction et la publication de nombreux textes ascétiques et liturgiques orthodoxes, notamment la Philocalie, avec la collaboration de G. Palmer et de P. Sherrard. Il est venu régulièrement en France pour des rencontres et des conférences, que ce soit à l’Institut saint-Serge ou dans le cadre de congrès de la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale.

Homme irénique d’une grande ouverture d’esprit, Mgr Kallistos était engagé dans de nombreux dialogues, notamment entre orthodoxes de différentes traditions. Parmi ses engagements œcuméniques, il était membre de la Commission de dialogue théologique international anglican-orthodoxe et, en 2017, il s’était vu décerner la croix de Lambeth pour l’œcuménisme par l’archevêque de Canterbury pour sa contribution exceptionnelle au dialogue. C’était un membre enthousiaste du Fellowship Saint-Alban-et-saint-Serge, fondé en 1928 pour favoriser la compréhension mutuelle entre anglicans et orthodoxes.

Doué d’un rare humour, Mgr Kallistos racontait souvent une histoire dans laquelle il déclarait s’être endormi à l’église pendant un sermon et réveillé en découvrant qu’il était lui-même le prédicateur. Il aura été une figure majeure non seulement de l’Église orthodoxe, mais plus largement du christianisme anglophone. Le Conseil œcuménique des Églises salue sa mémoire comme celle d’« un hiérarque exceptionnel du Patriarcat œcuménique, l’un des principaux théologiens actuels du monde orthodoxe, auteur prolifique, enseignant profondément respecté par ses nombreux disciples dans le monde entier ».

Que sa mémoire soit éternelle !

Michel Stavrou, Doyen de l’ITO Saint-Serge

Pour mieux connaître la vie et l’œuvre de Mgr Kallistos, voir ce bref reportage en anglais :

« Rejetez toute division »

De la lettre aux Corinthiens de saint Clément de Rome

Il est écrit : « Attachez-vous aux hommes saints, car ceux qui s’attachent à eux deviennent saints. » Et il est écrit ailleurs : Avec l’homme sans reproche tu seras sans reproche, avec l’ami tu seras un ami, et avec l’homme fourbe tu agiras avec ruse. Attachons-nous donc aux hommes sans reproche et aux justes, car ce sont eux les amis de Dieu. Pourquoi des disputes, des colères, des divisions, des scissions et la guerre parmi vous ? N’avons-nous pas un seul Dieu, un seul Christ, un seul Esprit de grâce répandu sur nous, et une seule vocation dans le Christ? Pourquoi écarteler et déchirer les membres du Christ, pourquoi nous révolter contre notre propre corps, et en arriver à une telle démence : oublier que nous sommes membres les uns des autres ?

Rappelez-vous les paroles de Jésus notre Seigneur. Car il a dit : Malheureux cet homme-là ! Il aurait mieux valu pour lui n’être pas né que d’entraîner au mal un seul de mes élus, il serait meilleur pour lui qu’on lui attache une meule au cou et qu’on l’engloutisse dans la mer que de détourner un seul de mes élus. Vos scissions en ont détourné beaucoup, elles en ont jeté beaucoup dans le découragement, beaucoup dans le doute, et nous tous dans le chagrin. Et votre désaccord se prolonge !

Reprenez la lettre du bienheureux Apôtre Paul. Que vous a-t-il écrit en premier, au commencement de l’évangélisation ? Vraiment, c’est sous l’inspiration de l’Esprit qu’il vous a envoyé une lettre parlant de lui-même, de Céphas et d’Apollos, car à cette époque déjà vous formiez des partis. Mais cette partisanerie était alors pour vous une moindre faute, car vous étiez partisans en vous attachant à des Apôtres autorisés ou à des hommes approuvés par eux.

Faisons donc disparaître cela au plus vite, jetons-nous aux pieds du Maître, supplions-le avec larmes pour qu’il nous prenne en pitié, nous réconcilie et nous rétablisse dans la noble et sainte pratique de l’amour fraternel. La porte de la justice ouverte sur la vie, c’est celle-là, ainsi qu’il est écrit : Ouvrez-moi les portes de la justice ; j’y entrerai pour louer le Seigneur. C’est ici la porte du Seigneur ; les justes y entreront. Beaucoup de portes sont ouvertes, mais la porte de la justice est celle du Christ. Bienheureux tous ceux qui y sont entrés et qui dirigent leur marche dans la sainteté et la justice ; ils accomplissent tout sans connaître de trouble. Quelqu’un est-il fidèle, capable d’exposer la connaissance, assez sage pour discerner les discours, pur dans ses actions ? Il doit être d’autant plus humble qu’il est jugé plus grand, et il doit chercher l’utilité commune de tous, et non son propre intérêt.

Où est-il donc, le chemin de la réconciliation ?

Aimer qui me déteste ? Je ne le pourrai jamais !

«… pendant que tu es en chemin avec ton frère…»

Où se trouve-t-il donc, ce « chemin» ? Peut-on le mesurer en mètres et en kilomètres ? Ne serait-il plutôt à trouver entre mon frère et moi, dans notre relation abîmée… laquelle affecte même notre commune alliance avec Dieu ?

C’est Dieu, je ne l’oublierai pas, qui est le but ultime de toute démarche de réconciliation. C’est lui qui me commande d’être juste. C’est lui qui me donnera la force de courir vers mon frère que j’ai blessé, pour me réconcilier avec lui « avant de présenter mon offrande ».

Bien sûr, la réconciliation n’est jamais facile. Ni pour les individus, ni pour les communautés. Si je ne puis aller vers mon frère, disait saint Augustin, « avec les pieds du corps », je pourrai aller vers lui «par une pensée charitable ».

Ce ne sera pas «la lente démarche du corps », mais « le rapide élan de l’amour». Ma patience peut avoir ses limites, ma charité peut tomber en panne, ma demande de pardon, difficile. Mais le Père des miséricordes est là, prêt à me porter secours.

Aimer ses ennemis. C’est plutôt difficile à entendre, et pas du tout dans l’air du temps. Regardons autour de nous : sont-ils si nombreux, les gens qui vont jusqu’à aimer ceux qui leur font du mal ? Alors même qu’il est si difficile de ne pas les détester…

Regardons en nous-mêmes, examinons-nous à la lumière de cette incroyable parole. Humainement, c’est au-dessus de nos forces. Nos cœurs, le plus souvent, se ferment face à nos agresseurs. Mais puisque le Seigneur le demande… il doit bien y avoir quelque chose qui permet d’accomplir ce commandement.

Ce quelque chose, c’est la grâce, une grâce, des grâces, à demander encore et encore. Qui plus est, à accueillir dans un cœur vidé de l’amour de soi. La puissance bienveillante de Dieu opérera, à son heure, notre conversion. Car la grâce du Dieu rend possible jusqu’à l’inconcevable perfection !

L’homme monte en vain. Dieu descend. Il ne descend pas beaucoup plus pour le pécheur que pour le juste.

Marie Noël

Saint Césaire d’Arles (470-543)
moine et évêque
Sermons au peuple, n°25

« Va d’abord te réconcilier avec ton frère »

Il y a une miséricorde dans le ciel à laquelle on parvient par la miséricorde sur cette terre. (…) Et il y a deux sortes d’aumône : l’une bonne, l’autre meilleure. L’une qui consiste à offrir un morceau de pain aux pauvres ; l’autre à pardonner aussitôt à ton frère qui a péché contre toi. Avec l’aide du Seigneur, empressons-nous de pratiquer ces deux sortes d’aumône pour pouvoir recevoir le pardon éternel et la vraie miséricorde du Christ.

Car lui-même, il a dit : « Si vous pardonnez, votre Père vous pardonnera aussi vos péchés ; si vous ne pardonnez pas, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos péchés » (Mt 6,14s). Et l’Esprit Saint s’écrie ailleurs : « L’homme garde sa colère envers l’homme et il cherche auprès de Dieu un remède ? Il n’a pas de miséricorde pour un homme, son semblable, et il demande à Dieu miséricorde ? » (cf Si 28,3s).
Hâtons-nous, autant que nous le pouvons et tant que nous vivons, d’avoir ces deux sortes d’aumône et de les distribuer aux autres. Ainsi au jour du jugement nous pourrons dire en toute assurance : « Donne, Seigneur, parce que nous avons donné. »  

« Ils disent et ne font pas »

Saint Antoine de Padoue (v. 1195-1231)
franciscain, docteur de l’Église
Sermons

« Ils disent et ne font pas »

Celui qui est rempli du Saint-Esprit parle diverses langues (Ac 2,4). Ces diverses langues sont les divers témoignages rendus au Christ, comme l’humilité, la pauvreté, la patience et l’obéissance. Nous les parlons quand, en les pratiquant nous-mêmes, nous les montrons aux autres.

La parole est vivante lorsque ce sont les actions qui parlent. Je vous en prie, que les paroles se taisent et que les actions parlent. Nous sommes pleins de paroles mais vides d’actions ; à cause de cela le Seigneur nous maudit, lui qui a maudit le figuier où il n’a pas trouvé de fruits mais seulement des feuilles (Mc 11,13s).

« La loi, dit saint Grégoire, a été présentée au prédicateur pour qu’il pratique ce qu’il prêche. » Il perd son temps à répandre la connaissance de la loi, celui qui détruit son enseignement par ses actions.

Mais les apôtres parlaient selon le don de l’Esprit. Heureux celui qui parle selon le don de l’Esprit, et non selon son propre sentiment…

Parlons donc selon ce que l’Esprit Saint nous donnera de dire. Demandons-lui humblement et pieusement de répandre en nous sa grâce.

Antoine de Padoue, frère mineur, docteur de l’Église (✝ 1231)
Né à Lisbonne, ce contemporain de saint François d’Assises’appelait en réalité Fernando. De famille noble aux traditions militaires, il entra tout jeune chez les Chanoines Réguliers de Saint Augustin à Coïmbra où il fut ordonné prêtre. En 1220, quand les restes des premiers martyrs franciscains furent ramenés du Maroc au Portugal, il entra chez les Frères Mineurs et prit le prénom d’Antoine. Il désirait lui aussi aller au Maroc afin d’y mourir martyr. Tombé malade pendant le voyage, il dut rentrer en Europe. 
En 1221, il est à Assise au chapitre de l’Ordre et ses frères découvrent alors ses talents de prédicateur et de théologien. Ayant remplacé ‘au pied levé’ un prédicateur empêché, il étonne ses frères qui, désormais, l’envoient prêcher plutôt que de balayer. Avec la permission de saint François, il enseigne à Bologne, Toulouse, Montpellier et Limoges. A Brive-la-Gaillarde, on conserve même le souvenir des grottes où il se retira quelque temps dans la prière solitaire. C’est aussi dans cette ville qu’il retrouva miraculeusement un manuscrit dérobé, y gagnant du même coup sa spécialité posthume pour lui faire retrouver les objets perdus. En 1229, il est élu provincial de l’Italie du Nord. 
La fin de sa vie est dominée par la prédication où il excelle. Il se trouve à Padoue pour prêcher le Carême en 1231. C’est là qu’il meurt d’épuisement à 36 ans, dans cette ville qui le vénère et qui lui donne son deuxième nom, saint Antoine de Padoue. Il est „Docteur de l’Église”, mais la piété populaire préfère en lui l’intercesseur efficace.
Il a été nommé saint patron du Portugal en 1934 par le pape Pie XI.Il fut l’un des premiers grands théologiens des Frères Mineurs pour ne pas dire le premier”. Saint Antoine a composé un cycle de sermons pour le dimanche, un autre consacré aux saints, proposant ainsi un parcours spirituel tellement riche que Pie XII le proclama en 1946 Docteur de l’Église, en lui attribuant le titre de Docteur évangélique car ses semons reprenaient toute la fraîcheur et la beauté de l’Évangile”. Dit de Padoue ou de Lisbonne, Antoine définit la prière „comme une relation d’amitié où l’homme dialogue avec le Seigneur”, l’articulant en quatre dispositions indispensables: ouvrir avec confiance son cœur à Dieu, lui parler avec affection, lui confier nos attentes, le louer et le remercier. Cet enseignement résume la théologie franciscaine, „la centralité de l’amour divin qui s’ouvre à la sphère affective et à la volonté cordiale, qui est aussi source d’un connaissance spirituelle qui dépasse toutes les connaissances”. Le Docteur évangélique, a écrit Benoît XVI, connaissait bien les défauts de la nature humaine, et „la tendance à tomber dans le péché. Il exhortait sans cesse à combattre l’inclination à l’avidité, à l’orgueil et à l’impureté… Au début du XIII siècle, dans un contexte de renaissance des villes et du commerce, le nombre des personnes insensibles aux pauvres s’accroissait. Ainsi invitait-il les fidèles à rechercher l’amitié des pauvres et la véritable richesse, celle du cœur”. Cet enseignement „est tout aussi valable aujourd’hui, face à la crise économique, aux inégalités qui appauvrissent tant de personnes et accroissent la pauvreté. Puis le Pape a souligné un autre des aspects saillants de la théologie franciscaine, le christocentrisme, qui „invite à réfléchir aux mystères de l’humanité du Seigneur, principalement la Nativité et la Crucifixion. „La vue du Crucifié inspirait à Antoine une immense gratitude envers Dieu, mais aussi de l’estime pour la dignité de la personne humaine, grâce à laquelle croyant comme incroyant peut trouver un sens enrichissant à sa vie”. Le Saint-Père a rappelé „l’importance du crucifix pour notre culture et pour l’humanisme découlant de la foi chrétienne… C’est parce que Dieu nous considère importants que nous devons être dignes des souffrances du Christ”.

https://nominis.cef.fr/contenus/saint/1313/Saint-Antoine-de-Padoue.html

M’aimes-tu…?

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 21,15-19.

Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade. Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. »
Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » 
Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. 
Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » 
Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. » 
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible – © AELF, Paris

Commentaire du jour :

Saint Jean-Paul II (1920-2005), pape 
Homélie à Paris 30/05/80 

„À l’heure de l’épreuve, Pierre a renié son Maître par trois fois. Et sa voix tremblait lorsqu’il a répondu : « Seigneur, tu sais bien que je t’aime ». Cependant, il n’a pas répondu : « Et pourtant, Seigneur, je t’ai déçu », mais : « Seigneur, tu sais bien que je t’aime ».

En disant cela, il savait déjà que le Christ est la pierre angulaire (Ac 4,11), sur laquelle, en dépit de toute faiblesse humaine, peut croître en lui, Pierre, cette construction qui aura la forme de l’amour.

À travers toutes les situations et toutes les épreuves, jusqu’à la fin. C’est pour cela qu’il écrira un jour : « Vous aussi vous êtes appelés à devenir comme des pierres vivantes pour la construction d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, pour offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu par Jésus Christ » (1P 2,5). 

Tout cela ne signifie rien d’autre que répondre toujours et constamment avec ténacité et de manière conséquente, à cette unique question : « Aimes-tu ? M’aimes-tu ? M’aimes-tu davantage ? »

C’est en effet cette réponse, c’est-à-dire cet amour, qui fait que nous sommes « la race élue, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis ». C’est elle qui fait que nous proclamons les œuvres merveilleuses de celui qui nous « a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1P 2,9).

Tout cela, Pierre l’a su dans l’absolue certitude de sa foi. Et tout cela, il le sait, et il continue à le confesser aussi dans ses successeurs.”

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Jeudi Saint, aujourd’hui

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Évangile selon saint Jean (13,1-15)
Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure
était venue pour lui de passer de ce monde à son
Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans
le monde, les aima jusqu’au bout. Au cours du
repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur
de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de
le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis
entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il
s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son
vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la
ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin.
Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à
les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est
toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui
répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas
maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre
lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non,
jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave
pas, tu n’auras pas de part avec moi. » (…)
Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son
vêtement, se remit à table et leur dit :ujourd’hui
« Comprenez-vous ce que je viens de faire pour
vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”,
et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si
donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé
les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les
pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je
vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme je l’ai fait pour vous.”

AMOUR DESARMANT
“Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant; plus tard tu comprendras”

Voilà la Pâque de Pierre, des disciples: assister sans comprendre à la Pâque de leur Maître et Seigneur. Jésus au pied de ses disciples, en train de leur laver les pieds, ce n’était pas compréhensible pour eux. Du coup, pour certains, pas acceptable non plus. C’est l’expérience de Pierre. Il ne peut accepter ce qui n’entre pas dans sa logique. Il ne se laisse pas faire. Cela le coupe de Jésus. Pierre doit accepter ce qu’il ne conçoit pas. Difficile abandon de soi pour entrer dans le monde de l’autre. Jésus n’a cessé de les entraîner sur ce terrain. Tout leur vécu commun aurait pourtant dû le préparer à ce nouveau débordement.
Jésus dépasse l’entendement. Il n’est pas dans ce qui se laisse comprendre, il est dans la profondeur et la gravité d’un geste qui vient de plus loin que lui et qui va au-delà de lui.

Son geste regarde le Père qui l’inspire. Il est au pied du Royaume qui ne veut laisser personne en dehors de son amour. Même Judas est pris dans son geste déconcertant. Le Royaume c’est quand on ne refuse pas ce qui est en train de se passer.

Et que se passe-t-il ? Jésus aime. Jusqu’au bout. Tous. Nous aussi nous assistons sans comprendre à ce qui est en train de se passer. Tant et tant d’événements
déconcertants. Et pourtant, Dieu continue d’aimer. Jusqu’au bout. Tous. Nous en sommes les signes. Pauvres, ignorants, mais aimés et institués par Jésus à notre baptême pour laver les pieds des autres. Plongés dans son amour, nous avons fait dans notre chair et continuons de faire l’expérience de Jésus à nos pieds. Nous savons maintenant
ce qu’il voulait faire: nous rendre aptes à le suivre, à le vivre en son nom, à faire exister ce Royaume pour tous dont Dieu rêve depuis que son amour créateur nous a posés dans la vie. Dieu continue de créer les gestes et les paroles qui ne s’éteindront pas malgré la mort qui n’est jamais loin de ceux qui sont devenus libres dans l’amour. L’heure, c’est à chaque instant, parce que c’est à chaque instant que la vie réclame l’amour qui se tient à nos pieds.

Laissons- le faire. Ne résistons pas à ce qui est en train de nous gagner peu à peu: le désir de vivre jusqu’au bout.

Marie-Dominique Minassian
Equipe Evangile@Peinture