39. Cela ne signifie pas qu’il faut cesser de prendre en compte la décadence culturelle qui ne promeut pas l’amour et le don de soi. Les consultations préalables aux deux derniers Synodes ont mis en lumière divers symptômes de la ‘‘culture du provisoire’’. Je fais référence, par exemple, à la rapidité avec laquelle les personnes passent d’une relation affective à une autre. Elles croient que l’amour, comme dans les réseaux sociaux, peut se connecter et se déconnecter au gré du consommateur, y compris se bloquer rapidement. Je pense aussi à la peur qu’éveille la perspective d’un engagement stable, à l’obsession du temps libre, aux relations qui calculent les coûts et les bénéfices, et qui se maintiennent seulement si elles sont un moyen de remédier à la solitude, d’avoir une protection, ou de bénéficier de quelque service. Ce qui arrive avec les objets et l’environnement se transfère sur les relations affectives : tout est jetable, chacun utilise et jette, paie et détruit, exploite et presse, tant que cela sert. Ensuite adieu ! Le narcissisme rend les personnes incapables de regarder au-delà d’elles-mêmes, de leurs désirs et de leurs besoins. Mais celui qui utilise les autres finit tôt ou tard par être utilisé, manipulé et abandonné avec la même logique. Il est significatif que les ruptures aient lieu souvent entre des personnes âgées qui cherchent une espèce d’‘‘autonomie’’, et rejettent l’idéal de vieillir ensemble en prenant soin l’un de l’autre et en se soutenant.
40 « Au risque de simplifier à l’extrême, nous pourrions dire que nous vivons dans une culture qui pousse les jeunes à ne pas fonder une famille, parce qu’il n’y a pas de perspectives d’avenir. Par ailleurs la même culture offre à d’autres tant d’options qu’ils sont aussi dissuadés de créer une famille ».[14] Dans certains pays, de nombreux jeunes « sont souvent induits à repousser leur mariage pour des problèmes économiques, de travail ou d’études. Parfois aussi pour d’autres raisons, comme l’influence des idéologies qui dévaluent le mariage et la famille, l’expérience de l’échec d’autres couples qu’ils ne veulent pas risquer de vivre à leur tour, la peur de quelque chose qu’ils considèrent comme trop grand et trop sacré, les opportunités sociales et les avantages économiques qui découlent de la simple cohabitation, une conception purement émotionnelle et romantique de l’amour, la peur de perdre leur liberté et leur autonomie, le refus de quelque chose qui est conçu comme institutionnel et bureaucratique ».[15] Nous devons trouver les mots, les motivations et les témoins qui nous aident à toucher les fibres les plus profondes des jeunes, là où ils sont le plus capables de générosité, d’engagement, d’amour et même d’héroïsme, pour les inviter à accepter avec enthousiasme et courage le défi du mariage.